32-Synthèse des théories

  1. Les rêves
  2. Le complexe d’Œdipe
  3. Typologie et structure
  4. La Libido
  5. L’inconscient
  6. Désir
  7. La foi

32.1 – L’interprétation des rêves (psychanalyse et psychologie analytique)

Freud distingue le contenu manifeste du rêve et son contenu latent, cette distorsion existe car la conscience ne peut admettre le message originel du rêve, trop perturbateur, et doit le travestir pour en faire une image acceptable.

Jung, lui, postule que  » le rêve est réellement un rêve. Il porte en lui sa signification…. Il n’est pas une façade mais une construction parachevée « .

Refoulement, censure, sublimation gardent leur importance, en tant que processus énergétiques constitutifs de la vie émotionnelle, mais cette importance se trouve relativisée dans une vision plus large de la  » Dialectique entre le moi et l’inconscient  » où la dynamique relationnelle est sous le signe de la compensation : les processus inconscients se situent dans une position de compensation par rapport au conscient.

L’avantage d’une telle conception est qu’elle évite de considérer que conscient et inconscient s’opposent et permet d’envisager une complémentarité. Ainsi, plus la conscience est unilatérale, plus les contenus des rêves porteront la marque de conflit. Inversement plus elle s’ouvre et s’élargit sur le monde intérieur, mieux elle réalise un équilibre spontané.

L’évolution des rapports entre conscience et inconscience personnel progresse au profit de la conscience. Plus on prend conscience de soi-même et plus s’amincit et disparaît la couche de l’inconscient individuel déposé sur l’inconscient collectif.

32.2 – Bouddhisme et rêves

L’approche du rêve est similaire à celle de Jung. Dans le bouddhisme tantrique, tel que pratiqué par les tibétains, il y a des « chamans » qui se mettent en transe ( phase de rêve éveillé) pour accéder à un certain mode de prédiction. Ils font une liaison volontaire pour laisser l’inconscient s’exprimer au travers du conscient, c’est une sorte de phagocytose en partie contrôlée de l’archétype Lumière sur la persona. Ayant accéder à l’inconscient collectif, conscience- base- de- tout disent les bouddhistes, ils accèdent à une vision supramondaine et à des phénomènes inconnus, hors espace – temps, des individus lambda, et ils en rapportent des bribes(des rejetons dirais Freud) que les moines essayent ensuite d’interpréter.

32.3 – Complexe d’Œdipe

Pour Freud le complexe d’Œdipe est universel et concerne aussi bien le garçon que la fille qui sont considérés comme ayant tous deux une tendance incestueuse envers la mère.  » Vous remarquerez que je n’ ai exposé que l’attitude du petit garçon à l’égard du père et de la mère. Celle de la petite fille est, sauf certaines modifications nécessaires, tout à fait identique » (Introduction à la psychanalyse, p.313).

Par la suite le schéma du complexe a été précisé, et a été classifié en positif et négatif.

  • Lorsqu’ il est positif : il y a de la haine, ou de l’agressivité envers le parent du même sexe, et un amour – incestueux – envers le parent de sexe opposé,
  • et lorsqu’ il est inversé : il y a une attitude de charme envers le parent du même sexe, et de l’hostilité jalouse envers le parent de sexe opposé.

Il peut y avoir superposition des aspects positif et négatif.

Pour Jung il y a le complexe d’Œdipe pour le garçon et le complexe d’ Électre pour la fille. Dans toute sa théorie, il spécifie toujours le cas masculin et le cas féminin, en particulier au niveau des archétypes ( Anima / Animus, Vieux Sage / Magna Mater ). Jung diminue le principe théorique du complexe d’Œdipe tel que défini par la psychanalyse, il dit dans les Métamorphoses de l’âme et ses symboles qu’ en triomphant du sphinx qui symbolise simplement la peur de la mère Œdipe est contraint d’épouser Jocaste [sa mère]  » (p.310 « or, c’est précisément à partir de là qu’il fut en proie à l’inceste matriarcal, qu’il dût épouser sa mère Jocaste, puisque le trône et la main de la reine veuve appartenaient à celui qui aurait libéré le pays de la calamité du sphinx…. Celui-ci est la personnification formelle de la mère « terrible » ou « dévorante ». »). En s’attaquant à l’un des piliers de la psychanalyse, il s’est attiré les foudres de son père spirituel S. Freud. Ont-ils eux-mêmes symbolisé ce complexe ? Freud avait intronisé Jung comme son héritier spirituel pour diriger le Mouvement International de la Psychanalyse, mais Jung, de 19 ans le cadet de Freud, était avancé trop loin dans ses propres recherches pour n’être que l’héritier de Freud.

Ce développement du complexe d’Œdipe exprimant les causes psychiques de « l’envie de » meurtre du père et de la possession de la mère , ces 2 tendances symboliques n’ont pas d’équivalent dans le bouddhisme qui n’approche pas le développement de l’individu, ni de sa violence de la même manière. Le Bouddhisme est plus centré sur le mot « envie de », sur le désir conscient ou subtil ( « inconscient » disent les psychanalystes) qui est central pour la conception bouddhique.

32.4 – Typologie et structure

Cette typologie est particulière à Jung et porte sur n’importe quel individu en décrivant des phases d’introversion ou d’extraversion associées à quatre modes de penser qui sont : réflexif, sensitif, perceptif et intuitif. À l’aide de cette typologie caractérielle, il est possible de dégager des prévisions d’attitudes de vie pour un individu donné et d’avoir des repères par rapport à des dérives psycho pathologiques.

Jung explique comment il a commencé ses travaux sur les types:  » C’est une raison très personnelle, c’est à dire pour rendre justice à la psychologie de Freud, et aussi à celle d’Adler. Et cela m’a permis de trouver mes propres fondements. Cela m’a aidé à comprendre pourquoi Freud a développé une telle théorie. »

Cette relativisation des critères scientifiques va à l’encontre de l’objectivité scientifique que Freud a toujours essayé d’observer. L’école junguienne doit certainement essayer de formaliser cette théorie de manière à ce qu’elle soit scientifiquement vérifiable, en attendant, pour qui veut la tester elle est vérifiable à tout instant dans l’activité clinique.

Pour Freud l’ introversion est une régression de la libido vers des objets imaginaires, ou fantaisies, et cela constitue une étape intermédiaire sur le chemin qui conduit à la formation de symptômes. C’est l’ éloignement de la libido des possibilités de satisfaction réelle. « Cette étape mérite, d’ailleurs, une désignation spéciale, C.G. Jung avait proposé à cet effet l’excellente dénomination d’ introversion, à laquelle il a d’ailleurs fort mal à propos fait désigner aussi autre chose » (Introduction à la psychanalyse, S. Freud, p.352) .

La structure psychique de l’individu selon Jung est la suivante :

  • la persona, partie consciente de l’individu
  • l’ombre, partie inconsciente individuelle, symétrique de la persona et constituée des potentiels ou désir refoulés, pouvant basculer avec la persona dans certain cas de relâchement du système de censure psychologique
  • l’inconscient collectif structuré par les archétypes: anima/ animus, archétype sexuel et l’archétype de Lumière

Freud se base sur son système topique: conscient/ préconscient/ inconscient. Cependant, j’ai relevé dans L’Homme aux rats (S. Freud, Quadrige/Presses Universitaires de France, édition 2000, p.83 et 84) en conclusion du cas un exemple de la structure psychique selon Jung. Ce qui suit est la reproduction du passage écrit par Freud, et entre parenthèses en italique le rapprochement que je fais avec la structure selon Jung:

« Je ne puis quitter mon malade sans parler de l’impression qu’il faisait d’être scindé en trois personnalités: une personnalité inconsciente (inconscient collectif), et deux personnalités préconscientes, entre lesquelles oscillait son conscient (persona et ombre). Son inconscient englobait des tendances précocement refoulées, qu’on pourrait appeler ses passions et ses mauvais penchants; à l’état normal, il était bon, aimait la vie, était intelligent, fin et cultivé (persona); mais, dans une troisième organisation psychique, il se révélait superstitieux et ascétique (ombre), de sorte qu’il pouvait avoir deux opinions sur le même sujet et deux conceptions de la vie différentes. Cette dernière personnalité préconsciente (donc pas encore consciente, mais pouvant le devenir en fonction du système de censure) contenait en majeure partie des formations réactionnelles à ses désirs inconscients, et il était facile de prévoir que, si sa maladie avait duré plus longtemps, cette personnalité-là (l’ombre) aurait absorbé (phagocyté) la personnalité normale (la persona). J’ai actuellement l’occasion de soigner une dame atteinte d’une névrose obsessionnelle grave, et dont la personnalité est scindée d’une manière semblable en une indulgente et gaie (persona) et une autre très déprimée et ascétique (ombre). Cette dame met en avant la première, à titre de moi officiel (persona), tout en se trouvant sous l’empire de la seconde (ombre). Ces deux organisations psychiques ont un accès à son conscient, et derrière la personnalité ascétique se retrouve son inconscient, lequel lui est tout à fait inconnu, et est constitué par ses tendances et ses désirs les plus anciens, refoulés depuis longtemps. »

En revanche, la dernière phrase met en évidence la différence de conceptions de l’inconscient entre Freud et Jung. Ce que Freud appelle « inconscient » est constitué de tendances et désirs refoulés, or pour Jung cela fait encore partie de l’ombre car cela est lié à l’individu et son vécu. Là où se situe l’ambiguïté d’interprétation c’est dans l’expression « ses désirs les plus anciens », car cela est peut-être le matériau aggloméré suivant les structures imposées par les archétypes collectifs.

32.5 – Libido

Pour Jung la sexualité n’est pas l’unique cause du comportement humain et de la formation de sa personnalité ( ex.: l’étayage du plaisir sexuel n’est pas forcément dans la succion du sein de la mère), la libido n’est pas que sexuelle, Jung la considère comme énergie psychique vitale indifférenciée. Cette énergie n’est cependant pas un aspect particulier de l’énergie universelle ( c’est possible, mais non vérifié).

Pour Freud la libido est l’énergie principale liée au principe de plaisir, mais il considère aussi d’autres énergies liées au principe de réalité ( auto conservation : faim, soif, sommeil ). Il en ressort le conflit entre Éros ( état d’activité ) et Thanatos ( retour à un état neutre primordial ). Mais Freud détecte une imbrication entre ces principes, « le principe de plaisir semble être en fait au service des pulsions de mort », et sensible à cette « apparente » contradiction, il est amené à distinguer le principe du plaisir d’avec le principe de Nirvâna. Il considère ce dernier comme un principe économique de la réduction des tensions à zéro, et qui serait « entièrement au service des pulsions de mort ». Quant au principe de plaisir, il représente « l’exigence de la libido » (de manière plus qualitative qu’économique).

Introduction à la psychanalyse, chap. 26, p390 :

« Nous ne gagnons évidemment rien à insister, avec Jung, sur l’unité primordiale de tous les instincts et à donner le nom de « libido » à l’énergie se manifestant dans chacun d’eux. Comme il est impossible, à quelque artifice qu’on ait recours, d’éliminer de la vie psychique la fonction sexuelle, nous nous verrions obligés de parler de libido sexuelle et d’une libido asexuelle. C’est avec raison que le nom de libido reste exclusivement réservé aux tendances de la vie sexuelle, et c’est uniquement dans ce sens que nous l’avons toujours employé. »

La vision de l’énergie psychique selon Jung se rapproche de la conception bouddhique qui conçoit une énergie psychique indifférenciée, et non pas une énergie sexuelle d’un côté et un autre type d’ énergie psychique de l’autre. Et le concept de Nirvana bouddhique n’est pas l’état neutre primordial, il est différent de l’association que fait Freud entre Thanatos et Nirvana. En effet, si l’on considère la progression des 10 terres bouddhiques, on comprend rapidement que les considérations psychanalytiques sont d’ordre mondain et que le Nirvâna est d’ordre supramondain où Éros et Thanatos n’ont pas d’existence en soi ( au sens bouddhique de l’être en soi, c’est à dire qui existe pour et par soi, sans aucun autre principe pour le mettre en valeur, sans élément interdépendant ). Dans le plan mondain, Éros et Thanatos sont des entités complémentaires qui n’existent que par leur interdépendance. L’ un n’existe pas sans l’autre et vice- versa.

32.6 – Inconscient

De l’inconscient Freud dit que, s’il fallait retenir une chose de la psychanalyse, ce serait cela. C’est LA découverte de Freud, ou du moins c’est lui qui a le plus formalisé cette notion que Charcot avait mis en évidence par ses expériences d’hypnotisme sur des sujets atteints de tremblements ou de paralysie. Freud reconnaît d’ailleurs que c’est l’homme qui l’a le plus influencé. Mais Freud a été beaucoup plus loin dans son exploration de l’inconscient et dans la technique mise au point pour le mettre en évidence, le transfert appuyé sur la parole, les notions de résistance et de répétitions.

Là encore Jung bat la théorie de Freud en brèche, sa construction archétypique de l’inconscient collectif va dans un sens plus général que l’inconscient propre à chaque individu. Alors que Freud défend cette singularité de l’inconscient, tout en cherchant la généralisation d’une théorie d’ailleurs, Jung précise que l’idée de Freud est vérifiée et qu’au-delà de cette structure individuelle, il y a une structure collective. Finalement Jung atténue à chaque fois les découvertes de la psychanalyse (interprétation de rêves, complexe d’Œdipe, Principe de libido, théorie sexuelle, inconscient, religion) et renchérit avec ses propres découvertes.

Jung précise lui-même que c’est sur le contenu de l’inconscient que leur point de vue commence à diverger : « …cela tombe sous le niveau de la conscience et devient juste inconscient. Bon maintenant c’est le point de vue de Freud. Il dit que cela tombe sous le niveau parce que c’est réprimé du dessus. C’était là mon 1er sujet de désaccord avec Freud. Il y a des occasions dans mes observations où il n’y a aucune répression du dessus. Mais cela s’est retiré. Les contenus devenus inconscients se sont retirés d’eux-mêmes, pas réprimés au contraire, ils avaient une certaine autonomie. »

J’ai souvent le sentiment que Jung s’est imprégné de la théorie psychanalytique, des théories orientales ( Taoïsme, Yoga, Hindouisme, Bouddhisme), des mythologies indo-européennes, moyennes orientales, africaines, des théories mécaniques et physiques de son époque, de l’alchimie, et que partant de ce vaste panorama culturel, et de son vécu, il a traduit en termes psychologiques des phénomènes qui étaient auparavant exprimés en images, métaphores ou actions. Jung devient alors l’expression même de son inconscient.

32.7 – Le désir

La réalisation du sujet désirant est l’état normal d’un sujet équilibré non affecté de troubles psychiques. Une des conséquences d’une cure psychanalytique réussie est de donner une plus grande conscience, une meilleure claire voyance de nos propres désirs, notamment le « subtil » désir de vivre où chaque respiration est un contrat passé avec la vie.  Cela s’accompagne aussi d’une plus grande conscience des conséquences de ces désirs et des responsabilités à prendre vis à vis de notre vie, d’autrui et de la réalité. Il n’est plus question de dire « ce n’est pas ma faute, je n’ai pas demandé à naître » ou  » je n’y peux rien, c’est comme ça ». Le sujet devient « plus désirant », mais aussi « plus responsable ». C’est toujours l’équilibre à trouver entre principe de plaisir et principe de réalité. Cette élévation de conscience entraîne un changement dans le désir, l’objet du désir se transforme, se sublime vers des idéaux très élevés et une morale en adéquation avec les lois fondamentales de l’univers.

Lorsque Jung parle de Selbst, il parle d’un Soi qui connaît ses désirs, ses droits et ses responsabilités vis à vis du monde, de l’univers et de ses lois. Cette connaissance change la nature des désirs qui n’ont plus de rapports avec les anciens désirs, qui n’ont plus les mêmes centres d’intérêt. L’individu réalisé se reconnaît comme partie intégrante de l’univers tout entier et, comprenant sa place, agit et désire selon l’intérêt des lois universelles.

Dans le bouddhisme, le désir est à la fois l’ennemi et la motivation. Il y a plusieurs facettes du désir, et si la convoitise est à combattre, le désir du bien pour autrui est à cultiver. Le désir pour la sagesse et la compassion est le moteur à développer.  Puis lorsque le voyageur est arrivé à bon port, il descend de voiture pour aller à la plage, il quitte tout désir et entre dans le nirvana. Cette dernière phase se produisant dans un plan supramondain est la plus délicate, car il faut alors renoncer à de grands pouvoirs supramondains (voir Bouddha/ Théorie/ les 10 terres) et le désir peut se cacher subtilement dans le désir de vouloir aider son prochain pour alléger sa peine et sa souffrance, surtout pour les grands boddhisattvas, ou le désir de devenir bouddha…

32.8 – La Foi

« La foi est un charisma ( don de grâce) pour qui la possède; mais elle n’est pas une issue pour qui a besoin de comprendre quelque chose avant de croire. […]Bien qu’à l’origine et naturellement, on croit à des symboles, il est possible aussi de les comprendre, et c’est l’unique voie praticable pour tous ceux qui n’ont pas reçu la grâce (charisma) de la foi.

Le mythe religieux nous apparaît donc comme une des acquisitions les plus hautes et les plus importantes qui donnent aux hommes sécurité et force pour qu’ils ne soient pas submergé par la monstruosité de l’univers. Considéré du point de vue du réalisme, le symbole n’est pas une vérité extérieure, c’est une vérité psychologique; car il fut et est le pont qui mène à toutes les grandes conquêtes de l’humanité« . (Métamorphoses de l’âme et ses symboles, C.G. Jung,Livre de pochep.385)

Symbole : grec. sumbolon = morceau d’un objet partagé entre deux personnes pour servir de signe de reconnaissance entre elles ; latin classique. symbolus = signe de reconnaissance ;  latin chrétien. symbolum = « symbole de foi » = formule dans laquelle l’Église résume sa foi.

Croire : tenir pour véritable, véridique; avoir confiance en.

Confiance : latin. confidentia = avec foi Foi : latin. fides = confiance, croyance

  1. sens objectif : assurance donnée d’être fidèle à sa parole, d’accomplir exactement ce que l’on a promis;
  2. sens subjectif : le fait de croire en quelqu’un ( et donc en sa parole) ou d’avoir confiance en quelque chose.

Jung rappelle ici le lien entre la croyance en des symboles et la foi. Les symboles constituent une vérité psychologique, une vérité de la représentation humaine de l’univers, et croire en cette vérité, c’est à dire avoir la foi, apporte force et sécurité pour faire face à la vérité extérieure, à la monstruosité de l’univers.

Pour un bouddhiste la foi doit naître de l’intuition profonde du rapport entre la vérité psychologique et la vérité extérieure, du rapport entre les conventions humaines et l’accomplissement des lois de l’univers. Pour ce faire il y a une étape intermédiaire qui consiste à avoir foi en un maître bienveillant qui guide le/ la disciple dans la recherche sur la compréhension. Cela pose la question de la confiance, les psychanalystes parlent de transfert positif ( il existe un transfert négatif où le patient est en colère après l’analyste et veut s’en prendre à ce dernier, parce que le patient est dans une répétition d’un ancien schéma affectif et psychologique). Dans un premier temps il doit donc y avoir un transfert positif entre le/ la disciple et son maître/ guide, il se peut que le maître (lama, guru) éprouve la résistance et la solidité de la foi du disciple en le soumettant à des épreuves qui peuvent approcher un rapport sado masochiste. Il faut alors une grande claire voyance de la part du disciple et du maître pour distinguer ce qui tient de l’épreuve et ce qui tient de la manipulation, ceci ne peut se réaliser que si le disciple continue à sentir la bienveillance du guide, et que si le disciple arrive à maintenir son désir de progresser dans l’effort ( lire Milarépa, tr. tibétain Jacques Bacot, ed.  Fayard 1971). Par la suite, lorsque le disciple a acquis une meilleure compréhension des phénomènes internes/ psychologiques et externes, il continue son chemin dans la croyance acquise par l’expérience vécue, dans la foi, avec ou sans son guide.

Freud ne parle pas de foi directement, mais plutôt d’une croyance en la science qui peut apprendre par l’expérience la réalité du monde :

 » L’éducation libérée de la pression des doctrines religieuses ne changera peut-être pas grand-chose à l’essence psychologique de l’homme, notre Dieu Logos n’est peut-être pas vraiment tout-puissant, peut-être ne peut-il accomplir qu’une petite partie de ce que ses prédécesseurs ont promis. S’il nous faut le reconnaître, nous en prendrons notre parti avec résignation. Nous n’en perdrons pas pour autant l’intérêt pour le monde et pour la vie, car il est un point où nous trouvons un appui assuré, qui vous manque. Nous croyons que le travail scientifique a la possibilité d’apprendre par l’expérience, sur la réalité du monde, quelque chose par quoi nous pouvons accroître notre puissance et d’après quoi nous pouvons aménager notre vie. » (L’avenir d’une illusion, S. Freud, ed. Quadrige/PUF1999, p.56)

Et il précise les limites de la science: « Montrer comment le monde doit nécessairement nous apparaître par suite de la spécificité de notre organisation; »

Ce qu’il entend par » organisation » est l’appareil animique (animisme : 1- croyance qui attribue aux choses une âme analogue à l’âme humaine; 2 – doctrine de Stahl expliquant les faits vitaux par l’intervention de l’âme) qui nous permet de concevoir et appréhender la réalité extérieure. Cette démarche est identique à la recherche bouddhique : comprendre ce qui est en soi pour comprendre la manière dont on perçoit et représente la réalité extérieure, tester en pratique cette représentation conventionnelle et l’ajuster aux exigences internes et externes.