- Conscient et Inconscient
- Libido et Archétype
26.1 – Conscient et Inconscient
« C’est tout autant pour lui [ l’inconscient ] une nécessité vitale d’être rattaché à la conscience que c’en est une pour cette dernière de ne pas perdre sa relation avec l’inconscient. Chez l’homme rien ne met plus en danger cette relation qu’une vie remplie de succès où il oublie cette dépendance de l’inconscient. » (p.497)
Pour Jung, Toute vie psychique se compose nécessairement d’un conscient et d’un inconscient se compensant l’un l’autre. Cet ensemble constitue la totalité psychique dont nul élément ne peut disparaître sans dommage pour l’individu : La perte de conscience rend « fou », c’est l’aliénation, la perte de l’inconscient entraîne un appauvrissement de l’esprit et du désordre ; « Plus l’attitude de la conscience par rapport à l’inconscient est faite de refus, plus ce dernier devient dangereux ».
Chacun de nous possède un inconscient individuel (l’ombre) qui repose sur un inconscient archaïque car ses manifestations ont un caractère primitif, et collectif car commun à l’humanité. Une analogie, comparaison, simple est celle du corps : notre corps est constitué de la même manière pour tous (1 tête, 1 tronc, des membres, etc.), et chacun de nous a des signes morphologiques particuliers (brun, blond, grand, petit, visage, etc.). La collectivité humaine est l’ensemble des humains du passé, du présent et de l’avenir. Dans certaines circonstances, nous réagissons en « homme » et reproduisons les gestes éternels caractéristiques de l’humanité (traces de réactions ancestrales). L’inconscient est commun aux humains à un degré bien plus élevé que ne le sont les contenus de la conscience individuelle, « nous sommes là en présence d’un condensé de la moyenne historique commune« .
Jung tient compte des découvertes freudiennes, mais il reste des états et des faits inexplicables par la théorie freudienne :
« C’était l’explosion de tous ces contenus psychiques qui ne pouvaient trouver place dans l’étroitesse étouffante de la psychologie freudienne et de sa Weltanschauung (vision du monde). Loin de moi la pensée de vouloir diminuer de quelque manière les extraordinaires mérites de Freud dans l’étude de la psyché individuelle. Mais les cadres conceptuels dans lesquels il enferma le phénomène psychique me semblait insupportablement étroit. »(p.34)
26.2 – Libido et archétypes
Je vous cite un passage entier de la Métamorphose de l’âme et ses symboles. À travers cela nous verrons l’enchaînement des idées junguiennes entre la libido, l’inconscient et les archétypes qui le structurent :
« Un jour Vichnou tomba en extase et dans cet état de sommeil, il mit au monde Brahmâ qui, trônant dans une fleur de lotus, jaillit du nombril de Vichnou, apportant les Védas, qu’il lisait avec ardeur [ naissance de l’idée créatrice par introversion ] . Un démon, profitant de l’occasion, déroba les Védas à Brahmâ et les cacha dans la profondeur. Brahmâ éveilla Vichnou et celui-ci se métamorphosa en poisson, plongea dans le flot, lutta avec le démon, le vainquit et reconquit les Védas« .
Si l’on remplace le mot « Vichnou » par « libido », le mot « Brahmâ » par « Individu ou Humain », le mot « Védas » par « œuvre créée», le mot « flot » par « inconscient », et le mot « démon » par « angoisse de l’inceste », on découvre le raisonnement de Jung)
« Cette série primitive de pensées décrit l’entrée de la libido dans le domaine intime de l’âme, l’inconscient. Par l’introversion et la régression de la libido se trouvent constellés des contenus auparavant latents. Ce sont, l’expérience en fait foi, les images primordiales, les archétypes que l’introversion de la libido a tellement enrichis en matière individuelle des souvenirs, que la conscience peut les percevoir comme dans l’eau mère devient visible un réseau cristallin lorsque la molécule se cristallise.
Comme de telles régressions et introversions n’ont lieu qu’au moment où une nouvelle orientation et une nouvelle adaptation s’avèrent indispensables – il s’agit toujours, avec l’archétype constellé, de l’image première de la difficulté du moment. Pour si infiniment diverses que puissent paraître à notre entendement les situations changeantes, leurs possibilités cependant ne dépassent jamais les limites naturelles ; elles conservent toujours des formes se répétant plus ou moins typiquement.
La structure archétypique de l’inconscient correspond à la moyenne des évènements et au cours général des choses. Les changements subis par l’homme ne sont pas infinis dans leur variété: ils représentent des variantes de certains types d’évènements. Le nombre en est restreint. Qu’apparaisse une situation de détresse, alors se trouve constellé dans l’inconscient un type correspondant à cette détresse. Comme celui-ci a caractère de « numen », c’est à dire qu’il possède une énergie spécifique, il attire les contenus conscients, les représentations conscientes au moyen desquelles il devient perceptible, donc apte à pénétrer dans la conscience.
Quand il y passe, il produit comme une illumination, une révélation ou une inspiration salutaire. L’expérience répétée de cette relation a pour conséquence que, d’une façon générale, dans une situation difficile, le mécanisme de l’introversion entre artificiellement en action et cela par des actes rituels qui marquent une préparation spirituelle, comme par exemple: usages magiques, sacrifices, invocations, prières, etc. Ces actes rituels ont pour but d’orienter la libido vers l’inconscient et ainsi de la contraindre à l’introversion.
Si cette libido se rapporte à l’inconscient, c’est comme si elle se rapportait à la mère, et contre cela se dresse le tabou. Mais comme l’inconscient est une grandeur au-delà de la mère, qui ne fait que le symboliser, l’angoisse incestueuse devrait, en fait, être surmontée pour qu’on atteigne les contenus salutaires (« trésor difficile à atteindre »). Le fils n’ayant pas conscience de sa tendance incestueuse, celle-ci se projette sur la mère ou son symbole. Mais comme ce symbole n’est pas la mère elle-même, il n’existe en fait aucune possibilité d’inceste et ainsi le tabou n’a plus de raison d’être une cause de résistance.
La mère représente l’inconscient; alors la tendance à l’inceste, surtout quand elle apparaît comme désir de la mère ou de l’anima, représente une exigence de l’inconscient qui veut que l’on tienne compte de lui. Son refus d’ordinaire a des conséquences peu favorables: si l’on n’y prend garde, ses forces instinctives entrent dans l’opposition, ce qui veut dire que Chrysé se métamorphose en un serpent venimeux. » (p.487, 488, 490)
Légende de Chrysé : Quand les Grecs partirent pour Troie, ils voulurent, comme jadis les Argonautes et Héraclès, faire un sacrifice sur l’autel de Chrysé, nymphe de l’île de même nom, pour assurer une fin heureuse à leur traversée. Or parmi eux, Philoctète était le seul qui sût découvrir le sanctuaire caché de Chrysé. Or il y rencontra le malheur. Un serpent qui gardait l’autel se précipita sur lui et le mordit au pied. (Sophocle)
Un scoliaste nous apprend que Chrysé offrit son amour au héros qui le refusa et fut, pour cette raison, maudit par elle ; c’est ainsi que se réalisa la malédiction.
Les archétypes sont des nœuds énergétiques sur lesquels s’articule la structure de l’inconscient. Cette structure s’individualise avec le vécu de chaque individu. Le fait de parler d’exigence de l’inconscient le personnifie et lui donne une « volonté », s’il y a volonté, il y a but, et objet du but. On arrive à une notion téléologique, tout à un but, un objectif. Quel est le but de l’inconscient? (mettre un lien vers Synthèse Inconscient)