14-Appareil psychique : les 2 topiques

Les topiques psychiques sont des sortes de « cartes » de l’âme humaine.

Freud a d’abord construit une 1ère topique en 1900 dans son chapitre VII de l’Interprétation des rêves, puis il proposera en 1923 dans le Moi et le Ça, une 2nde topique. Il tente une triple approche de l’appareil psychique :

  • Dynamique (c’est l’étude des conflits psychiques)
  • Économique (force, puissance en jeu)
  • Topique (description des instances du fonctionnement mental).

14.1 – 1ère topique

L’appareil psychique est composé de systèmes différenciés dont chacun constitue un lieu psychique ( grec topos = lieu).

Freud commence par assimiler l’appareil psychique à l’endroit où se forme l’image dans un quelconque système optique. L’appareil psychique est un instrument dont les parties sont des instances ou systèmes.

L’appareil a deux extrémités, d’un côté le système P (perceptif, sensitif) qui reçoit les perceptions et de l’autre le système M (moteur) qui permet une réponse motrice ou du moins qui constitue l’accès à la réalité. Entre les deux nous avons des systèmes psys (Sn.) Lorsqu’une stimulation entre dans l’appareil psychique, elle y laisse des traces mnésiques dans les systèmes Sn. Ces systèmes retiennent tel ou tel aspect de la stimulation. Ils représentent notre inconscient qui retient toutes nos impressions sous forme de traces mnésiques qui demeureront à jamais inconscientes. Point important dans ce système : Dans l’inconscient les informations sont traitées en fonction de la quantité d’énergie qu’elles véhiculent et non pas en fonction de leurs qualités sensibles.

Mais pour l’instant ce modèle n’explique pas le fait que dans les rêves certains éléments deviennent conscients et d’autres pas. Ce qui voudrait dire qu’il existe une instance qui soumet à la critique l’activité de l’autre et qui lui autorise ou non l’accès à la conscience. Ces deux instances sont l’inconscient (Ics) et le préconscient (Pcs).

Freud distingue deux variétés d’inconscient :

  • Les faits psychiques latents, mais susceptibles de devenir conscients,
  • Les faits psychiques refoulés qui sont incapables d’arriver à la conscience.

En fait, les faits latents sont préconscients (Pcs) et les faits refoulés sont inconscients(Ics). Attention, tout ce qui est refoulé est forcément inconscient, mais l’inconscient n’est pas forcément refoulé. Prenons garde donc à ne pas définir l’Ics comme étant exclusivement ce qui a été refoulé.

1ère phase: l’acte est inconscient et appartient au système Ics, si la censure le rejette, le passage à la seconde phase lui est interdit ; il prend alors le nom de  » refoulé  » et doit rester inconscient.

2ème phase: La censure l’accepte, l’acte passe alors à la seconde phase, et entre en relation avec le Cs, mais il n’est pas encore conscient, seulement apte à le devenir… Il est dit « latent« . C’est à dire qu’il est capable, s’il n’y a pas de résistance particulière, de devenir objet de la perception consciente.

C’est la raison pour laquelle on nomme cet état intermédiaire : Préconscient. La distinction entre le système Cs et Pcs n’est pas nette, Freud se contente de dire que, s’il s’avère que c’est une certaine censure qui détermine aussi la transformation du Pcs en Cs, cela permettra une distinction plus nette des systèmes Pcs et Cs.

Le noyau de l’Ics est formé de représentants des pulsions qui veulent décharger leur investissement. Ces pulsions subsistent les unes à côté des autres sans s’influencer mutuellement et sans se contredire. Il n’y a dans ce système ni négation, ni doute, ni degré de certitude. Tout cela est apporté par les soins de la censure entre Ics et Pcs. Il n’y a dans l’Ics que des contenus à investissements plus ou moins forts.

Il règne dans l’Ics une grande mobilité des intensités d’investissement : par le processus de déplacement une représentation peut passer à une autre toute sa charge et grâce au processus de condensation, elle peut s’emparer de l’investissement total de plusieurs autres. C’est ce que l’on appelle le processus primaire (noté I dans le schéma). Le processus primaire est atemporel et ne tient pas compte de la réalité, il est soumis au principe de plaisir.

Ainsi l’inconscient n’a accès au conscient que s’il parvient à traverser le préconscient. Freud met à l’épreuve son modèle pour expliquer le rêve.

L’aspect hallucinatoire du rêve vient de ce que l’excitation suit une voie rétrograde, c’est à dire qu’au lieu de se transmettre vers l’extrémité motrice (sens des flèches rouges de gauche vers droite) elle se transmet vers l’extrémité sensorielle ( flèches bleues de droite vers gauche).

Remarque : A l’état de veille (souvenir intentionnel, réflexion etc.) certains processus psychiques utilisent la voie régrédiente mais aucun n’a le pouvoir de nous faire revivre de façon hallucinatoire les images mnésiques comme le fait le rêve.

L’étude des rêves a révélé l’existence d’une censure qui semblait être l’œuvre d’une conscience morale. Cette censure deviendra, dans la 2nde topique le Surmoi.

14.1.1 Rêves, censure

L’analyse des rêves, en particulier l’oubli du rêve, révèle la présence d’une censure endopsychique. Freud parle de rêves qu’il a fait plusieurs années auparavant et qu’il a pu interpréter parce qu’il a pu, entre temps, triompher de ses résistances. De la même manière un rêve sombre dans l’oubli (et parfois son interprétation avec lui) à cause de résistances qui cherchent à effacer le rêve. Dans le registre des délires, certaines pathologies sont incompréhensibles, parce qu’il en manque des morceaux. De même, les Russes censuraient les journaux à la frontière en enlevant certaines phrases ce qui rendait l’ensemble de l’article absurde et dénué de sens. Enfin, les mots d’esprit, les jeux de mots et autres associations permettent à certains contenus de parvenir à la conscience par un moyen détourné afin d’éviter la censure. Les faits sont explicites, il y a dans l’appareil psychique quelque chose qui détermine l’accès d’un contenu inconscient ou préconscient à la conscience.

14.1.2 Voix de la Conscience

Dans les affections paranoïdes ou schizophrènes, Freud découvre l’existence chez le patient d’une voix qui lui parle à la troisième personne. On observe chez tout sujet, dans la vie normale  » une puissance qui observe, connaît, critique toutes nos intentions « . Cette voix est la manifestation d’une instance psychique qui, cherchant à assurer la satisfaction narcissique de l’idéal du Moi, observe le Moi actuel et le compare en permanence à l’idéal du moi. C’est en fait la Conscience (au sens moral du terme), celle-là même qui exerce, la nuit, la censure des rêves et qui vient de l’influence des parents, et des éducateurs principaux.

Il faut noter que ce qui différencie un sujet atteint de la manie d’observation d’un sujet « normal », c’est que le sujet normal entend une voix (sa Conscience) mais le malade, lui, pense qu’elle vient de l’extérieur.

Le schéma ci-contre illustre le rôle de la censure. La première censure (entre Ics et Pcs) est celle du Surmoi. Pour simplifier on peut l’assimiler à un garde. L’endroit gardé serait le lieu où réside la conscience, tandis qu’à l’extérieur les tendances psychiques se pressent pour y entrer. La fonction du garde est de décider qui doit entrer et qui doit rester dehors en fonction de critères qui lui sont propres.

Lorsqu’une tendance psychique pénètre dans le champ de la conscience, elle n’en devient pas pour autant consciente, encore faut-il qu’elle soit vue par la conscience. Freud appelle ce lieu psychique le système de la pré conscience.

14.1.3 Processus primaire et secondaire

Il y a « I » à côté de l’Ics pour rappeler que l’inconscient est régi pas le processus primaire, (rattaché au principe de plaisir).

Le processus primaire ne connaît ni la négation, ni la contradiction, ni l’espace, ni la causalité et n’obéit pas à la logique. Une image peut rester dans l’inconscient des années sans être modifiée et resurgir subitement comme s’il s’agissait d’un événement vécu la veille.

Les systèmes Cs et Pcs sont régis par le processus secondaire (principe de réalité) ce qui veut dire que l’énergie est liée, ce processus tient compte de la réalité (temps, espace, logique) et les associations qu’il régit se fondent sur la similitude (c’est la métaphore, le « comme ») et non pas la contiguïté comme dans l’inconscient (c’est la métonymie, boire un « verre » = boire de l’eau).

14.1.4 Principe de plaisir & principe de réalité

L’appareil psychique cherche en permanence à réduire l’excitation intérieure ou tension psychique. On appelle cela le principe de plaisir parce que l’appareil psychique cherche à obtenir du plaisir (qui est en fait la réduction des tensions psychiques) et à éviter le déplaisir (qui augmenterait l’état d’excitation endopsychique). Au principe de plaisir s’oppose celui de réalité. Le principe de réalité tient compte de la réalité extérieure en reportant le moment de la satisfaction. Selon Freud la recherche de la satisfaction s’opère par des chemins détournés, tenant compte du monde réel.

14.2 – 2ème Topique

Cette nouvelle conception permet de modéliser le fonctionnement de l’appareil psychique. Grâce à ces trois instances, Moi, Surmoi et Ça, on peut envisager ce fonctionnement sous trois aspects : dynamique (étude des conflits), économique (forces en présence) et topique (instances du fonctionnement mental).

Cette représentation schématique montre qu’une partie du Moi est dans l’inconscient, que le Surmoi est en partie inconscient et a pour fonction de filtrer ce qui vient de l’intérieur de l’appareil psychique.

Le Surmoi n’a pas la main mise sur la totalité de l’activité psychique comme le schéma pourrait le faire penser, et la partie du moi inconsciente est plus importante que la partie du moi consciente.

Le Ça :  » L’homme est vécu par quelque chose d’inconnu. Il existe en lui un Ça, une sorte de phénomène qui préside à tout ce qu’il fait et à tout ce qui lui arrive  » (Groddeck).

Le Ça est soumis au processus primaire, il est atemporel, il ne tient pas compte de la réalité et il est soumis au principe de plaisir. Il n’obéit pas aux lois logiques de la pensée ; la contradiction n’y existe pas, des émotions opposées peuvent coexister sans se contrarier, le temps ne s’y écoule pas, ce qui signifie notamment que les objets psychiques restent inchangés et sont donc virtuellement impérissables.Pour certains le Ça est le résultat de notre Évolution et doit en partie être universel (hypothèse de l’inconscient collectif de CG Jung).

Le Moi : Le Moi est une partie du Ça qui s’est différencié grâce à l’action progressive du monde extérieur. La conscience y est rattachée. Cette instance constitue l’interface entre le monde extérieur et le monde intérieur (on parle de fonction de réalité car c’est au Moi de faire la différence entre les excitations provenant du monde interne de celle provenant de l’extérieur). Contrairement au Ça, le Moi tente de transformer le principe de plaisir en principe de réalité en intervenant entre le besoin et l’action. Le Moi possède de nombreuses fonctions qui ont toutes un même objectif : maintenir l’homéostasie (stabilité / équilibre) psychique. Pour arriver à ce résultat le Moi doit  » servir trois maîtres  » que sont le Ça, le Surmoi et le Monde Extérieur. Freud le compare tantôt à l’Auguste de cirque ou à un cavalier obligé de suivre sa monture pour ne pas être désarçonné…

Le Surmoi : Traditionnellement considéré comme l’héritier du complexe d’œdipe, le Surmoi représente l’intégration de ces Êtres supérieurs qu’étaient les parents. Ceux-ci forment l’Idéal du moi auquel le Surmoi compare inlassablement le « pauvre » Moi. Cependant la sévérité du Surmoi n’a rien à voir avec la sévérité des parents réels, mais s’est façonnée à partir de leur Surmoi.

Dans la dépression mélancolique, le Surmoi condamne sans appel et veut contraindre le Moi à se plier aux règles les plus sévères. Le Surmoi devenu exagérément rigoureux admoneste, humilie, maltraite le pauvre Moi, lui fait entrevoir les plus dures punitions, lui reproche des actes accomplis naguère d’un cœur léger. Ceci nous fait voir que notre sentiment moral de culpabilité est le résultat d’une tension entre le Moi et le Surmoi.

À l’inverse, dans la phase maniaque, le Moi se trouve dans un délicieux état de griserie et peut se livrer à la satisfaction de tous ses désirs sans contraintes. Le Surmoi est comme anesthésié.

14.3 – Structure de la psyché

Freud propose donc la structure suivante en deux parties :

  1. La partie rationnelle nous permet de vivre notre vie de tous les jours
  2. La partie irrationnelle, ou inconsciente, contient tous nos sentiments, nos sensations, nos haines et nos amours: tout ce qui a marqué notre enfance.

L’appareil psychique se présente ainsi :
1. La perception sensorielle : relation entre notre vie psychique et le monde matériel.

  1. Le  » sur moi  » : conscience ou  » sur-égo  » représente tous les interdits, les enseignements, une morale injectée de telle sorte que nous les considérons comme notre propre création.
  2. La  » pré conscience  » : souvenir latent, culture individuelle. Elle fait partie du  » Moi « .
  3. Le  » moi  » : représente notre personnalité consciente, notre monde rationnel. C’est un peu la partie visible de l’iceberg au-dessus des flots de l’inconscient où sont dissimulés tous les sentiments d’agressivité.