- Psychanalyse
- Psychologie analytique
- Bouddhisme
- La question : l’inconscient a-t-il un but ?
36.1 – Psychanalyse
Chez Freud l’inconscient semble être surtout une puissance née du refoulement de tendances liées à des pulsions (Éros : pulsion de vie, de mouvement et Thanatos : pulsion de mort, d’inertie). Ces tendances continuent à mener une activité malgré nous, et certaines d’entre elles suivant leur qualité sont pathologiques, morbides et troublent profondément le cours normal de la vie d’un être humain. Les désirs refoulés sont « systématiquement » une partie constitutive majeure de l’inconscient, cependant pour Freud l’inconscient comporte aussi autre chose.
Ce qu’il exprime dans l’Abrégé de Psychanalyse (édition PUF, p.30) de la manière suivante :
« d) Le rêve fait, en outre, surgir des contenus qui ne peuvent appartenir ni à la vie adulte ni à l’enfance du rêveur. Il faut dons considérer ce matériel-là comme faisant partie de l’héritage archaïque, résultat de l’expérience des aïeux, que l’enfant apporte en naissant, avant toute expérience personnelle. Dans les légendes les plus anciennes de l’humanité, ainsi que dans certaines coutumes survivantes, nous découvrons des éléments qui correspondent à ce matériel phylogénétique. »
36.2 – Psychologie analytique
Jung dit que cette conception est différente de la sienne, car pour lui les désirs refoulés ne sont pas la majeure partie de l’inconscient. Ce dernier comporte des éléments autonomes plus importants que la partie refoulée individuelle. De ces deux visions, il en ressort qu’il y a une question de quantité, et que de toute façon l’inconscient est constitué d’une part de désirs refoulés et d’autre part de quelque chose d’autre, le ça…
Chez Jung l’inconscient peut être malfaisant ou bienfaisant, mais de toute façon, toute vie psychique se compose nécessairement d’un conscient et d’un inconscient se compensant l’un l’autre, et aucun de ces 2 éléments ne peut disparaître sans dommage pour l’individu : la perte de conscience est aliénation, et la perte d’inconscient est appauvrissement et désordre.
Avec l’inconscient individuel se trouvent des couches plus difficilement accessibles : celles de l’inconscient archaïque. La psyché (conscient + inconscient individuel + inconscient collectif) dépasse le psychisme individuel. L’ Inconscient n’est plus une propriété individuelle, il n’est pas que traits spéciaux d’une personnalité définie, il est aussi traits de l’espèce humaine. Dès qu’une analyse individuelle est suffisamment poussée, que les éléments individuels ont été balayés, on se heurte à ces traits caractéristiques que l’on rencontre chez tous les hommes : inconscient archaïque à cause du caractère primitif de ses manifestations, et collectif car présent chez chaque représentant humain. Ces forces obscures teintent à tout moment notre comportement, nos idées, et le conscient ne serait alors qu’une émergence de ces forces, une vague au-dessus d’un océan dont on ne perçoit ni la profondeur, ni l’étendue.
Je cite ici un extrait Sogyal Rinpoché, issu de Méditation : » de même que l’océan a des vagues et le soleil des rayons, ainsi les pensées et les émotions sont-elles le propre rayonnement de l’esprit. L’océan a des vagues ; pourtant il n’est pas dérangé par elles : les vagues sont de la nature même de l’océan. Les vagues se dressent, mais où vont-elles. Elles s’en retournent à l’océan. D’où viennent-elles ? De l’océan. De même, les pensées et les émotions sont le rayonnement et la manifestation de la nature même de l’esprit. «
Si je me réfère à Lacan (courant freudien) cette métaphore, cette mise en parallèle entre le conscient (la vague) et l’inconscient (l’océan) est un lien direct, une égalité de rapport : conscient/inconscient = vague/océan. De même la seconde métaphore : pensées/esprit = vague/océan. On trouve, alors par propriété associative : conscient/inconscient = vague/océan = pensée/esprit, soit conscient/inconscient = pensée/esprit. Cette mise en rapport entre la notion de psyché de la psychologie analytique de Jung et la nature même de l’esprit selon le bouddhisme met en évidence (et cela doit faire écho dans votre pensée intuitive) que nos pensées sont d’ordre conscient et que notre esprit est d’ordre inconscient. Cela rejoint la topique freudienne où l’on comprend que la conscience auquel le moi est lié est cette petite partie en rapport avec cette insondable étendue qu’est l’inconscient où règne le Ça.
36.3 – Bouddhisme
Pour les bouddhistes et dans une conception » mondaine » de la compréhension et de l’explication de ces phénomènes psychiques, il existe la notion de conscience base de tout. Ici nous retrouvons cette notion de » collectif « , mais en revanche les bouddhistes parlent de conscience et non d’inconscient. Nous trouvons alors trois notions d’inconscient :
Celle de Freud (inconscient individuel), celle de Jung (inconscient individuel + inconscient collectif) et celle du Bouddhisme (conscience base de tout : inconscient mondain et conscient supra mondain). Si l’on se réfère à la synthèse des appareils psychiques, on identifie bien cette partie constituée de désirs inconscients (la partie psychique « Mental physique/vitale physique ») d’origine pulsionnelle.
Dans Essai d’exploration de l’inconscient (Chapitre IX: La guérison de la dissociation, §7,édition Robert Laffont, Folio essais, 1964,p.178) Jung donne son avis sur ce qu’un bouddhiste peut penser des fantasmes :
» Le bouddhiste rejette les fantasmes produits par l’inconscient comme d’inutiles illusions. »
En utilisant le mot « inutiles », Jung émet un jugement de valeur qui ne correspond pas à la réflexion bouddhique. La croyance qu’une illusion puisse être utile ou inutile ne se pose pas dans la réflexion bouddhique. Le terme « illusion » se rapporte à la croyance que les phénomènes du réel existent en soi, or pour les bouddhistes ces phénomènes n’existent pas par eux-mêmes, ils existent en interdépendance avec la capacité de perception humaine du réel. Les couleurs n’existent pas pour les aveugles, l’Homme ne pourrait pas dire que le monde existe s’il n’existait pas lui-même. L’inconscient n’existe pas pour celui qui possède une compréhension supra mondaine, car l’inconscient mondain devient conscient supra mondain.
36.4 – La Question
La question soulevée implicitement par Jung (« exigence de l’inconscient ») est donc de découvrir si l’inconscient a une finalité, un but :
La Kundalinî est représentée par un serpent lové à la base du coccyx, elle représente l’énergie femelle qui doit s’unir à l’énergie mâle (le souffle, l’esprit). Cette dernière se situe symboliquement dans la tête, et une partie de cette énergie est représentée par la conscience volontaire. L’évolution de l’être humain passe par ce processus d’union entre l’énergie femelle et l’énergie mâle. L’individu transcende le mondain et acquiert des capacités psychiques supra mondaines, un niveau de conscience « cosmique » (macroscopique et microscopique), c’est le début de l’éveil. Certaines personnes essayent d’éveiller la Kundalinî par des méthodes yoguiques, mais n’étant pas suffisamment préparées, n’ayant pas une conscience épurée et forte, elles sombrent alors dans la folie (Jung décrit cela comme l’inconscient dévorant le conscient, l’archétype phagocytant la persona).
Selon la description symbolique de Jung, la Kundalinî, le serpent, est la libido, l’énergie vitale psychique. Le processus d’individuation est un processus où le conscient (la persona) doit affronter successivement les différentes parties inconscientes (l’ombre, puis l’anima / animus, puis l’archétype « lumière »). Si la persona n’est pas détruite (« phagocytée ») par les différents vecteurs inconscients, elle se renforce avec l’énergie inconsciente, à chaque étape le nouvel avatar de la persona gagne en puissance, ce qui lui permet d’affronter le vecteur suivant pour enfin se confronter à l’archétype cosmique. Quand le processus d’individuation se réalise, l’individu fait face au plus puissant des archétypes et prend une dimension psychologique cosmique.
L’exigence de l’inconscient serait donc l’exigence de cette évolution, l’inconscient se rappelle à nous pour réaliser ce processus d’individuation, ce processus d’éveil.
Ce processus psychique entraîne un changement physiologique, le circuit nerveux se modifie, s’élargit et s’affine. Les perceptions changent, une des formes visibles est la capacité de comprendre et de parler des langues non apprises. Le régime alimentaire doit aussi changer sous peine de grandes souffrances.