- Complexe d’Électre
- Associations
- Typologies
- Libido
- Archétypes
- Anima, Animus
- Individuation
- Étape 1
- Étapes 2,3
- Étape 4
- Selbst, le Soi
- Synchronicité
Comme je ne peux pas prétendre avoir finalisé une théorie claire et précise expliquant tout ou même la majeure partie de la complexité psychique, mon travail consiste en une série d’approches différentes, ou l’on pourrait dire, une approche par encerclement de différents facteurs inconnus. Cela fait qu’il est plutôt difficile de faire un compte rendu simple et clair de mes idées. De plus, j’ai toujours ressenti une responsabilité particulière à ne pas perdre de vue le fait que la psyché non seulement se révèle dans le cabinet de consultation du docteur, mais par-dessus tout dans le vaste monde, ainsi que dans les profondeurs de l’histoire. Ce que le médecin observe des manifestations psychiques est une partie infinitésimale du monde psychique, et, qui plus est, souvent déformé par des conditions pathologiques. J’ai toujours été convaincu qu’une image juste de la psyché ne pourrait être obtenue que par une méthode comparative. Mais le grand inconvénient d’une telle méthode tient à ce qu’on ne peut pas éviter l’accumulation de matériau de comparaison, avec pour résultat que le profane est dérouté et perd ses repères dans le labyrinthe des parallèles… » CG. Jung, Kusnacht/ Zurich, September 1952.
Les œuvres de Jung nécessitent une très grande érudition (connaissance de la psychanalyse, de l’histoire des religions, des langues mortes et vivantes, des cultures du monde, etc.) pour être lues sans encombre. À l’aide du livre du Pr. Miguel Rojo Sierra, titulaire de la chaire de psychiatrie de l’Université de Valence et de références prises à Mme Frieda Fordham, membre de la Société de Psychologie Analytique de Londres, je vais essayer de mettre en évidence les principaux apports de CG Jung sans prétendre expliquer toutes ses théories.
Comme pour Freud ou le Bouddhisme, vous trouverez de la littérature, des sites et des personnes beaucoup plus aptes à cela. Ce que vous trouverez ici est plutôt une sorte de référentiel dans le but de dégager les convergences, les divergences, et de permettre une éventuelle vue d’ensemble. Si les internautes avertis identifient des erreurs, des inexactitudes, je leur serais très reconnaissant de bien vouloir me les faire comprendre. L’œuvre de Jung est très complexe…
22.1 Complexe d’Électre
» Agamemnon est assassiné par sa femme Clytemnestre et son amant Égisthe. Électre, fille d’Agamemnon et de Clytemnestre, devenue esclave d’Égisthe, parvient à sauver son frère Oreste en l’envoyant en Phocide. Elle prépare en secret sa vengeance et l’exécute dès le retour d’Oreste, devenu grand, en l’assistant dans le double meurtre de sa mère et de son amant. Condamnée à mort par le tribunal présidé par Athéna, elle est sauvée par Apollon. «
De la même manière qu’ Œdipe tue le père, Électre tue la mère; et par analogie à Œdipe qui avec la mort du père parvient à posséder sa mère, Électre dissimulait un désir incestueux vis à vis de son père et, à cause de ce désir, elle est devenue l’instigatrice de la mort de sa mère (et de son amant).
22.2 Associations
Jung utilise une liste de mots capables de susciter des émotions communes. Le sujet répond à chacun des mots- stimuli, rapidement, par le premier mot lui venant à l’esprit. Lorsque le mot stimulus fait apparaître des émotions cachées, l’individu retarde la réponse.
22.3 Typologie
« il se produit toujours une relation indivisible entre le sujet et l’objet. »
La libido (une partie de l’énergie vitale) cherche un objet sur lequel s’investir et se matérialiser.
Relation sujet- objet :
• Pour les introvertis, cette énergie sera plutôt investie sur le sujet.
• Pour les extravertis, cette énergie sera plutôt investie sur l’objet.
Dans les premières années la libido se consacre et s’investit dans la croissance et le développement de base pour survivre : c’est une phase d’introversion.
Puis la libido se déplace vers les objets sexuels, le sujet se consacre à l’élection du conjoint, la création d’une famille, l’obtention d’un travail : c’est une phase d’extraversion.
Vers la fin de sa vie le sujet retourne son attention sur lui-même et se demande qui il est, où il va, des intérêts spirituels peuvent revenir : le sujet redevient introverti.
En superposition de ces phases d’investissements libidinaux se place le mode de perception. Il y a alors 2 processus et chacun de ces processus possède 2 modes :
Processus rationnel :
• Pensée/ réflexif (Lorsque la pensée prédomine, l’individu est réflexif)
• Sentiment/ sensitif (Lorsque le sentiment prédomine, l’individu est sensitif)
Processus irrationnels :
• Sensorialité/ perceptif (Lorsque la sensorialité prédomine, l’individu est perceptif)
• Intuition/ intuitif (Lorsque l’intuition prédomine, l’individu est intuitif)
Exemples :
• Pour le réflexif les processus psychiques s’organisent en « vrai » ou « faux », « juste », ou « injuste ».
• Pour le sensitif les processus psychiques s’organisent en « bon » ou « mauvais », « beau » ou « laid »
• Pour le perceptif un bois est un ensemble d’arbres, nombreux, différents et pleins de détails;
• Pour l’intuitif ce même bois lui permettrait de capter « ce qu’il pourrait y avoir derrière les arbres » et le rapport entre les végétaux, de « ressentir » le bois.
22.4 Libido
L’énergie, pour les physiciens, existe précisément parce que les différentes catégories de la nature peuvent se convertir les unes dans les autres (force hydraulique en électricité, électricité en chaleur, lumière, etc.)
Pour Jung ce n’est pas la sexualité qui est le moteur du psychisme, mais l’énergie vitale indifférenciée. Celle-ci s’exprime tantôt par la poursuite du désir sexuel, tantôt par la lutte de pouvoir, la création artistique, ou diverses activités.
Une émotion contenue peut se transformer en une manifestation physique ou vice versa. Donc l’énergie psychique est « interpermutable » avec l’énergie physique comme l’électricité et la chaleur. Pour ces raisons l’énergie vitale comprend l’énergie physique et l’énergie psychique: c’est la manifestation psychique de l’énergie vitale que Jung appelle libido.
22.4.1 Universalité de l’inconscient
Suite à ses expériences psychanalytiques, Jung soupçonne l’existence dans l’esprit humain, non seulement de contenus individuels latents, mais aussi transindividuels.
En vérifiant cette hypothèse, il se rend compte que toute la théorie psychanalytique évolue dans un système culturel judéo- chrétien, et considérer ce système comme universel serait une grave erreur. Tout système culturel n’est qu’un cadre par rapport auquel viennent s’inscrire toutes les manières de vivre des individus.
Jung étudie profondément les mythologies grecque et latine, et entreprend de longs voyages en Algérie, au Sahara, au Kenya, en Ouganda, en Inde, aux États- Unis. Il étudie différentes cultures et il constate que les Africains, les Touaregs font des rêves dont les thèmes sont analogues à ceux de la mythologie grecque, et les Suisses ont des rêves qui correspondent aux mythologies égyptienne ou hindoue.
Dans chaque esprit, il y a non seulement des contenus conscients ou inconscients élaborés par le vécu, mais dans les profondeurs de la psyché, il existe des thèmes dont celui-ci n’a jamais eu l’expérience.
Sous tout psychisme individuel, il y a un inconscient commun, un inconscient collectif.
22.4.2 Structures ou complexes de l’individu
Persona : Partie de la personnalité dont nous avons conscience et dans laquelle nous nous sentons comme des êtres singuliers.
Ombre : Subconscient individuel, l’autre « côté » de la persona.
(mot proposé par Yolande Jacobi, sa disciple)
Persona et ombre sont des structures autonomes, ayant leur énergie propre, et formant un 1er complexe ( la notion de complexe est ici très différente de celle de Freud : pour Freud, un complexe est un certain volume d’énergie véhiculée vers un désir inconscient. Pour Jung, un complexe est un système de structures autonomes).
Individu : ( persona/ ombre) / inconscient collectif
22.4.3 Archétypes
L’énergie vitale de l’inconscient collectif n’est pas indifférenciée et homogène. Cette énergie s’accumule en noyaux dont les organisations sont aussi autonomes entre elles. Ces accumulations d’énergie de l’inconscient collectif, Jung les a appelées archétypes. Ils sont communs à tous les hommes, et ont la propriété de donner des formes diverses à la libido. Ils sont définis comme des » potentialités psychiques formatives », comme des expressions de l’énergie et de la vie.
« L’archétype est comme le système axial qui préforme un cristal ». L’archétype est une potentialité organisatrice. Il possède un noyau de signification invariable qui détermine toujours le mode de manifestation, sans en déterminer la forme concrète finale.
Les archétypes sont donc :
- Autonomes, dotés d’une énergie vitale propre,
- Organisés comme des « personnoïdes », comme des entités ressemblant à la persona.
- Leur influence pathologique se ressent comme si un étranger agissait de l’intérieur de l’individu.
- Ils s’activent au contact de facteurs externes (arts, doctrines religieuses, situations délicates).
- Leur influence n’est ni causale, ni motivée.
- Ils sont beaucoup plus forts que le moi, ils peuvent l’absorber. Cette absorption du moi individuel est appelée inflation et ce processus de dissolution du moi s’appelle phagocytose du moi par l’archétype.
- Toujours inconscients et ils ne transparaissent qu’au travers des symboles.
3 archétypes fondamentaux :
- L’archétype sexuel
- L’archétype « lumière »
- L’archétype cosmique
22.4.4 Symboles
Les symboles sont le langage des archétypes. Ils sont images, comportements, faits, etc.
Ils sont des véhicules transformateurs d’énergie, ils transportent la libido (énergie psychique) de l’inconscient collectif au moi.
L’image perceptive qui transporte un symbole archétypal s’appelle imago.
Par les symboles nous pouvons contacter l’inconscient collectif et connaître son contenu, c’est ainsi que Jung a étudié les plus importants archétypes.
22.5 Anima / Animus
L’ombre est en contact avec la persona, l’archétype sexuel est en contact avec l’ombre, il est le pont, le médiateur entre la singularité de l’individu (persona + ombre) et l’inconscient collectif. Cet archétype est de sexe opposé à celui de l’individu. il est appelé anima pour l’homme et animus pour la femme. Cela veut dire qu’il possède aussi une typologie inverse (anima réflexive/ persona sensible, anima perceptive/ persona intuitive, etc.)
23.5.1 Anima
C’est la « femme » intérieure que porte tout homme en lui. Elle ne représente pas une image concrète de femme, mais une énorme accumulation énergétique de « féminin ».
Le premier aspect de l’anima est la mère, puis les attributs d’autres femmes vont donner un contenu à la forme de l’anima. La libération de l’anima, de l’image maternelle, constitue un des problèmes les plus importants et délicats de l’évolution de la personnalité de l’homme, car la mère et la femme sexualisée sont toutes les deux des femmes, ce qui entraînera une grande confusion. Le symbole restera le même, mais pas sa signification, alors que pour la femme l’anima sera supplanté par l’animus. La femme fera le changement du maternel féminin à l’homme sexuel.
Jung donne un exemple: « Ainsi par exemple, le coup de foudre est un tel cas. Imaginez que vous avez en vous une certaine image de la femme sans le savoir. Alors vous voyez cette fille ou du moins une bonne imitation de votre type, et instantanément vous êtes saisi. Vous êtes « fait »… et plus tard il est possible que vous vous rendiez compte que c’était une erreur monumentale. Ou, vous voyez, un homme est assez capable, suffisamment intelligent pour voir que cette femme de son choix n’est pas vraiment un choix, il a été capturé. Il voit que finalement elle ne lui convient pas et que c’est très compliqué , et il me dit ainsi : -pour l’amour de dieu, Docteur, aidé moi à me débarrasser de cette femme. Il ne peut pas, il est comme prisonnier. Et c’est ça l’archétype. »
Cette libération exige une dépense d’énergie, pour cela il faut faire appel à un autre transporteur d’énergie, l’archétype de l’initiation ou du héros. Ce dernier exprime les moyens symboliques grâce auxquels l’ego se sépare des archétypes évoqués par les images des parents durant l’enfance. L’homme, libéré de la mère, voit les autres femmes devenir les réceptacles des tendances de l’anima. Quand une image de femme devient le symbole archétypal, elle devient imago de l’anima.
L’anima n’est pas une femme précise, mais un archétype très puissant, un personnoïde qui englobe en soi l’essence de toute féminité ( la fille, la sœur, l’épouse, la maîtresse, la fée, la sorcière…personnoïde exclusif, accaparant). L’anima possède toutes les caractéristiques positives et négatives de la féminité au sein de son autonomie. L’homme, extérieurement polygame, a pour archétype sexuel une figure unique, et se conduit avec l’anima (femme intérieure, en lui) de manière monogame.
L’homme dont l’ego a été phagocyté par sa propre anima tombe dans la féminité, et devient esclave de son sentimentalisme.
L’anima se développe en 4 phases :
- La femme primitive (symbole : Ève) : :l’imago est fortement génitalisée qui représente les relations purement instinctives et biologiques.
- La femme romantique (symbole : Hélène dans Faust) : l’érotisme s’étend à toute l’image féminine, l’imago est chargée esthétiquement, caresses et contemplation sont préférées aux enlacements orgasmiques.
- La femme vénérée ( symbole : la Vierge chrétienne, refuge des affligés et des pécheurs) : la génitalité est exclue, l’érotisme est sublimé jusqu’à la dévotion.
- Sapientia, la sagesse de l’éternel féminin (symbole : Déesse de la sagesse, Athéna).
Il existe une 5e phase que Jung n’a pas décrite explicitement, celle de la sagesse transcendantale dont les imagos correspondent à la « Rose Mystique » catholique ou au Lotus aux mille pétales hindou ou bouddhique.
23.5.2 Animus
C’est l’homme intérieur, un archétype doté d’éléments masculins tels que l’initiative, l’audace, personnoïde directif, conquérant de ce qui est nouveau. Sa possessivité est plus axée sur l’expansion que sur la rétention.
Ses 4 phases sont :
- L’homme sauvage (symbole : Tarzan): L’imago est fortement génitalisée, personnification du pouvoir physique.
- L’homme romantique, l’aventurier : la génitalité diminue et laisse la place à l’admiration devant la sensibilité ou la prouesse.
- Celui qui a la parole : la lumière éclairante de l’existence, professeur, leader politique ou religieux.
- Logos, le signifié, le savoir masculin (symbole : le Christ ou Mahatma Gandhi). L’animus est symbolisé par le sens ultime de l’existence et du cosmos par un dépassement de ses propres limites, de grands philosophes, ou gurus enseignant les sentiers secrets.
Ces différentes imagos transportent une formidable énergie permettant à la vie d’acquérir un sens nouveau.
Dans sa structure interne l’animus est hétérogène, multiple au contraire de l’anima qui est unique. La femme est monogame à l’extérieur, et polygame à l’intérieur. L’animus s’exprime par des opinions acceptées sans critiques, des préjugés que la femme appelle « ses principes » qui sont en général appliqués avec une totale inflexibilité, tant que les dogmes ne se renouvellent pas. Lorsqu’une femme change de principes, elle change sa manière de vivre.
L’imago du héros qui, chez l’homme représente l’archétype du héros (qui permet le processus de libération de la mère vers la femme sexuelle), est un imago de l’animus lui-même chez la femme. Cette figure archétypique « s’anime surtout lorsque, pour des raisons obscures, la conscience ne peut plus suivre les sentiments et les instincts provenant de l’inconscient: au lieu et place de l’amour et de l’abandon, apparaissent masculinité, humeur querelleuse, affirmation entêtée de soi-même et le démon de l’opinion aux formes extrêmement variées. (Puissance, au lieu d’amour!) L’animus n’est pas un homme réel, mais un héros infantile quelque peu hystérique, dont les défauts de la cuirasse laissent transparaître le désir d’être aimé » (Métamorphose de l’âme et ses symboles, p.505)
22.5.2.1 L’archétype « Lumière »
Il a été peu explicité par Jung qui y fait référence dans le processus « d’individuation » (la formation de soi-même). Il est l’archétype du surnaturel, de l’au-delà. Ses symboles sont la luminosité et la force. Il révèle des forces ou pouvoirs qui ont une provenance différente des mondes spatio-temporels imaginables. Il est le tremblement et la fascination. Symboles chez l’homme : la Sophia ( l’antique connaissance spirituelle), le feu (qui représente Yahvé et qui parle à Moïse sur le Mont Sinaï), un ange, un dieu; chez la femme : imagos de la Pythonisse (prophétesse dans la Grèce antique), de la Sybille, de la connaissance de la nature. Jung a appelé cet archétype « lumière » pour la femme: Magna Mater.
La Sophia et la Magna Mater représentent l’origine à partir de laquelle l’individu a été formé: l’homme comme esprit transformé en nature, et la femme comme nature imprégnée d’esprit.
22.5.2.2 L’archétype cosmique
Il est le représentant de l’inanimé. « Le cristal symbolise l’expérience la plus simple et la plus profonde d’un objet externe que l’homme puisse avoir, dans ces moments où il se sent immortel et inaltérable… ». La disposition ordonnée du cristal évoque le sentiment intuitif que même la matière appelée « morte » est dotée d’un principe ordonnateur spirituel. Sans savoir pourquoi (l’archétype est inconscient), les indiens Navajos traitent une personne malade en faisant des dessins géométriques et symétriques pour l’harmoniser avec elle-même, avec le cosmos. Cette empreinte géométrique et symétrique est le fondement des mandalas – symboles et imagos de cet archétype – et du processus d’individuation.
22.6 Individuation
L’individu est organisé en structures/ complexes opposées/ symétriques (<>) :
- Persona <> Ombre
- • Singularité (persona + ombre) <> Collectif (inconscient)
- • Genre de la singularité (homme/ femme) <> Genre de l’archétype sexuel (anima/ animus)
- • Limitation du savoir et du pouvoir <> illimitation du savoir et du pouvoir (archétype « lumière »)
Le « conscient », le moi qui sait et fait en soi, se situe dans la persona. La totalité de l’individu (de son psychisme) n’est pas identifiable à ce que l’on a comme conscience de soi-même. Si le moi est le centre de la persona, et si la persona n’est qu’un pôle de l’individu, alors nous sommes décentrés. Jung considère qu’il est essentiel que le moi se centre dans le noyau authentique de l’individu pour l’humain qui veut se développer et se réaliser: il appelle cela processus d’individuation.
La majorité des humains ne développent pas leur individualité, ils ignorent leurs possibilités qui leur restent « obscures ». Ces énergies influent sur leur comportement, mais ils ne différencient pas la part du moi, croyant agir volontairement, de la part manipulée par les personnoïdes internes. Chaque complexe agissant comme « entité personnifiable » limite le libre arbitre.
« La liberté ne s’atteint qu’à travers le processus d’individuation » (Yolande Jacobi).
Cette métamorphose psychique procède de la conjonction des opposés. Cette conjonction réalise la vérité latente en chacun d’eux.
Lorsque la persona se confronte à l’ombre, surgit alors quelque chose de nouveau qui n’est ni la persona, ni l’ombre et qui dépasse leurs différences.
Lorsque ce quelque chose se confronte à l’archétype sexuel, surgit alors un autre quelque chose, ni masculin, ni féminin. C’est l’archétype « lumière ».
Lorsque la limitation du moi se confronte à l’illimité de l’archétype « lumière », un nouveau moi surgit, c’est le soi-même, le Selbst.
Une personne peut continuer toute sa vie à s’identifier à sa persona, son masque extérieur. Tant le jeune qui prétend être « libéré » en fumant de la drogue, en buvant de l’alcool, que la femme qui se croit « sexuellement libérée », ou que l’homme « sérieux », plein de principes qui ne tolère pas la moindre entorse à la moralité, tellement identifié à son prestige, à l’ordre, sa charge, son rang, qu’il doit vivre avec une rigidité extérieure inflexible, ils sont tous dirigés par leur persona. Cette identification au rôle extérieur de la reconnaissance sociale ou à un prototype éthique imaginaire ferme le moi à la voie du processus: Jung appelle cette situation « désindividuation ». L’être humain reste alors possédé par sa persona.
22.7 Dynamique
Parvenir à être soi-même implique un déplacement intérieur du moi-persona au moi-en-soi-même. Ce déplacement ne se réalise pas dans un sens unique linéaire: le déplacement vers l’individuation est oscillatoire. Il y a le mouvement progressif et le mouvement régressif ( L’Énergétique psychique, CG Jung). Cela renvoie au principe d’extraversion et d’introversion. Toute attention dirigée, tout effort mental provoque et oriente un mouvement d’énergie. Toute fatigue ou tout approfondissement du niveau de conscience (en particulier dans le sommeil) produit une régression dans l’énergie indifférenciée.
La régression fait gagner en force vive et perdre en différenciation.
La progression augmente la capacité discriminative mais fait perdre de la force.
La conjonction de 2 mouvements permet d’obtenir la différenciation (onde progressive) grâce à la force que l’on extrait de l’indifférenciation (onde régressive). Il faut donc se préparer à « descendre plusieurs fois aux enfers » pour remonter autant de fois des profondeurs vers le monde extérieur et se réadapter à lui, parcourant le chemin de l’individuation.
22.8 Étape 1
Se rendre compte que l’ « on » n’est pas « tout ». Seul l’être qui n’est pas prisonnier de sa persona, ni esclave dogmatique « de la vérité et des traditions » réunit les conditions pour entamer le processus de dépossession et peut « s’ouvrir » par désidentification. Il faut être capable de dire: » Je ne suis pas celui que je croyais être jusqu’à maintenant, je ne suis pas celui que j’appelle être moi, je ne suis ni mes projets, ni l’image que les autres et moi-même ont de moi, je suis un inconnu et je me cherche ». Cela revient à se détacher des structures conventionnelles de la persona, ce qui entraîne une certaine insécurité car il n’y a plus les repères « habituels » de la persona, d’où une certaine dépersonnalisation et une désorientation certaine.
La technique, le « véhicule » qui va révéler l’inconnu à l’individu qui a commencé le processus, est l’étude des rêves et de l’imagination libre. Il pourra réaliser le mouvement régressif indispensable et rebondir vers le mouvement progressif.
22.8.1 Les rêves
L’ordonnance des rêves échappe aux lois de la causalité, du temps et de l’espace. Le langage des rêves est archaïque, prélogique, visuel, et ne peut être connu que par un mode d’interprétation très particulier. Les rêves sont non seulement des informateurs de l’inconscient, mais aussi des véhicules d’une énergie de par leurs symboles. Ils sont aussi des avertissements en obligeant une confrontation et un ajustement des divers aspects de « l’autre face de notre psychisme ». Certains rêves sont l’expression de circonstances qui se répètent de temps en temps dans l’histoire humaine, et qui affectent la collectivité humaine. Pour cela, Jung pense que les rêves peuvent parfois être prophétiques.
22.8.2 L’imagination active
Évoquer des symboles: l’attitude de Jung est opposée à celle de Freud, au lieu de réduire les images à l’expérience première qui leur a donné naissance, Jung les amplifie avec toutes les images analogues possibles. Il survient ainsi le moment où la signification s’illumine d’elle-même.
Si A, B, C, D sont les contenus des rêves et des imaginations, en les amplifiant par leurs analogies, même mythiques, ils parviennent à se lier entre eux, et alors seulement le symbole E « monte » à la persona. Il peut alors se produire un transfert d’énergie du symbole vers le moi. Le moi peut alors réorganiser ses comportements vis à vis de l’extérieur et de l’intérieur.
Les mouvements de régression (imagination active où l’individu prend part à la situation imaginée), de progression et le déplacement sont ainsi libérés.
22.9 Étape 2
Ayant cessé de placer le centre de ses motivations dans la « reconnaissance sociale » et les systèmes conventionnels, en acceptant ce qui est contraire à son système de valeurs, sans pour autant se retourner contre son système, l’individu commence à découvrir ses propres qualités négatives.
Elles apparaissent comme des insuffisances de caractère. Si l’individu ne prend à leur égard aucune attitude justificatrice et ne se laisse pas aveugler en s’excusant ou en accusant l’environnement extérieur (mauvaise éducation reçue, despotisme parental, habitudes…), ses fautes s’éclaircissent.
Si l’individu ne prend aucune attitude de refus ou d’auto-justification, ces aspects négatifs se manifestent au cours de rêves et parlent de cette autre face (le côté obscur de la force…) jusqu’à ce qu’au fil des séances de psychothérapie, la personne découvre qu’elle possède ces mauvais côtés. Ce processus d’assimilation de l’ombre peut laisser apparaître des comportements « condamnables » -par la morale sociale -, lorsque le niveau de conscience baisse par fatigue ou sous l’effet de médicaments.
À la fin de cette étape, l’individu a beaucoup changé: il ne juge plus autrui, il devient plus compréhensif, plus fraternel avec le misérable, s’approfondit s’il était superficiel, et s’impartialise, s’il était partisan. Son moi s’est déplacé vers une position où le bien et le mal sont relativisés, et où le grave défaut de l’autre est vécu comme un défaut personnel.
La personne a dépassé le dogmatisme moral ou anti-moral.
22.10 Étape 3
C’est la confrontation à l’archétype sexuel (anima, animus). C’est après avoir assimilé l’ombre que les images de l’anima/ animus acquièrent leur plus grande intensité. Le moi, évitant la grande perte d’énergie liée à la répression des pulsions négatives ou inhabituelles de l’ombre, acquiert plus de force et peut alors se confronter au collectif. C’est le début d’une INITIATION: le dépassement de la dualité que la personne traînait depuis son enfance, du fait de la relation à sa mère.
Dans le cas de l’homme: lorsqu’il réalise le symbolisme de l’initiation au travers de rêves, surgit devant lui la femme-animal, l’anima sous la forme du féminin excitant, dans toute sa force douce, mais atroce. Le sujet vit, peu à peu, des changements d’humeur brusques. Dans son imagination jaillissent des imagos très vivantes. Si l’individu est la proie d’une grande exaltation, assortie de présages bons ou mauvais, il doit parler à l’anima et lui demander ce qu’elle cherche. Il n’appartient pas au sujet de répondre. La réponse doit venir seule, que ce soit en images, en rêves ou en faits. S’il s’agit d’images spontanées, il doit intervenir, être actif. Pour entendre la réponse, il doit faire le vide mental, rester disponible. L’anima se vide peu à peu de ses contenus, ses symboles porteurs d’énergie se transfèrent au moi
Dans le cas de la femme: ce qui se passe est à peu près semblable. Quand elle parvient à découvrir l’influence de l’animus sur ses opinions bien arrêtées, elle parvient aussi à le vider de son contenu et son moi accumule l’énergie véhiculée par les symboles du masculin intérieur.
Alors le moi cesse de s’identifier au sexe. L’archétype perd son pouvoir de fascination et il se transforme en véhicule d’inspiration et de créativité. Connaissance et sentiment s’harmonisent, vient la tempérance: l’homme n’est plus jamais fasciné par aucune femme et la femme n’est plus jamais fascinée par une idéologie. La personne n’est plus capable de « tomber » amoureuse, car elle ne peut plus « se perdre » dans l’autre, mais elle est capable d’éprouver un amour très profond, car elle reconnaît sa/ son partenaire en tant qu’autre individu. (Cependant cet état porte en soi la solitude de l’être humain libéré – Yolande. Jacobi)
22.11 Étape 4
C’est la rencontre de l’archétype « lumière ». Le processus d’intégration de l’anima/ animus s’achevant, des imagos de ceux-ci apparaissent, correspondant à des animaux représentant les profondeurs de la Terre Mère (reptiles, poissons); le serpent est la figue symbolique de l’archétype sexuel. Si l’animus et l’anima finissent par se transformer en messagers de la profondeur de la psyché, leur symbole (le serpent) est une représentation de la médiation entre la Terre et le Ciel. La rencontre avec l’archétype « lumière », qui est donc précédée de ces symboles telluriques (symboles de la transcendance, dixit Jung) donne naissance à des imagos opposées, aériennes (oiseaux).
L’archétype sexuel était « infernal » ( de « inférieur », du « monde d’en bas ») et lié à la vie; maintenant apparaît le ciel que notre culture considère comme l’endroit où montent les morts (les esprits). Des imagos exprimant « le voyage solitaire » avertissent d’une mort symbolique, non physique. L’individu doit affronter le pouvoir en soi. La première tentation est que le moi, ayant survécu à l’antithèse de l’autre sexe, tombe dans le piège de s’identifier au pouvoir transcendant. Les images apportent des signes de l’incommensurable (aigles géants, cétacés, volcans, soleils irradiants, apocalypses), toute image suggérant une omnipotence et une omniprésence. Ici il y a une alternative: le recul ou l’affrontement.
22.11.1 Le recul
Le sujet, devant les présages menaçant de ces symboles, abandonne le processus d’individuation, et libère l’individualité de la psyché collective par un rétablissement de la persona, en se « cramponnant » au monde du dehors. Une nécessité externe va remplacer la nécessité interne. Mais cette possibilité est réservée à ceux qui ressentent un attachement profond à la terre, dans le silence du transcendant qui sous de multiples formes exerce son pouvoir. Les autres ne pourront pas reculer, car la sortie vers la vie simple leur sera fermée à jamais, ils seront obligés d’affronter…
22.11.2 L’affrontement
La personne qui se trouve à cette étape est en grave danger d’être « dévorée » par l’archétype « lumière »: si elle cède à la tentation de s’identifier, elle se sentira détentrice du pouvoir suprême et tombera alors dans la psychose (en se prenant pour Dieu ou un prophète ou un disciple d’un prophète imaginaire). Jung a donné à ces états le nom d’ « inflation psychique », car ils indiquent une extension de la personnalité au-delà des limites individuelles. Cette situation psychique pathologique dans laquelle se trouve l’ego identifié à et possédé par l’archétype « lumière » est appelée personnalité – mana ( mana: pouvoir magique transférable). Seule solution: faire acte d’humilité, avoir un travail utile qui l’accrochera à la terre (humilité provient du latin humus = terre). Si cette humilité est acquise, le moi ne se gonfle pas de pouvoir et il survient, du fait du renoncement, une transformation totale: un mystérieux archétype latent s’active; l’archétype « Selbst », le Soi.
22.12 Selbst
C’est le but du processus d’individuation. Après les 4 étapes qui viennent d’être décrites, une nouvelle situation apparaît : la partie obscure (l’ombre) est devenue consciente. Le sexuel contraire (anima/ animus) s’est différencié en nous. Notre relation avec l’esprit (l’archétype « lumière ») s’est faite claire, l’orgueil de la personnalité – mana a été dépassé. C’est la prise de conscience à leur égard, et le fait de se libérer de leurs contenus symboliques autonomes – en les restituant dans la conscience et en renonçant à s’approprier le pouvoir (énergie) ainsi dégagé – qui font que le danger disparaît de lui-même.
Une fois la personnalité- mana dissoute, toutes les structures de l’individu – sur le point de se dissocier, puisque le moi n’a plus de centre fixe et ne s’identifie plus à elles – commencent à se réorganiser. Cela nécessite une énergie semblable à l’énergie immanente de la nature et qui attire comme un aimant les éléments matériels pour les enfermer peu à peu dans des « cellules de cristal » (Psychologie et Alchimie, CG. Jung). C’est l’archétype cosmique qui ordonne les corpuscules géométriquement et harmonieusement.
C’est une manière totalement nouvelle et différente de rencontrer notre propre être. Si l’on veut caractériser cette « sensation » de la relation entre le moi et le Soi, il faut recourir à des analogies: « le moi individué se sent comme l’objet d’un sujet inconnu et super ordonné, comme le langage par rapport à l’intelligence, ou comme la relation entre le soleil et la terre (on ne peut pas les confondre, ni les séparer, sinon il n’y aurait ni l’expérience de la terre, ni celle du soleil). Ici arrive l’idée du divin. Jung sait qu’une telle notion sort des limites de l’intellectuel et de l’empirique, mais il l’accepte pour représenter la manière singulière de la vivre, et malgré toutes les critiques des empiristes et des rationalistes, il ose appeler le Soi « Dieu en nous ».
Le Selbst marque l’ultime étape du difficile chemin de l’individuation. Après les nombreuses régressions indispensables aux progressions, le Selbst est la progression parvenue à terme, la formation de soi.
Cette rénovation est un état subjectif, la conscience étroite et partiale du moi – persona se transforme en une conscience amplifiée dont la fonction est liée à l’objet, au monde extérieur, et qui place l’individu dans une relation indissoluble à eux.
Ce nouvel état est invisible aux autres, seuls ceux qui y sont parvenus aussi peuvent le déceler. L’homme individué ne s’émeut pas devant les événements. Il n’est affecté que sur des plans inférieurs de son être, il demeure impassible devant des incidents très agréables ou désagréables. Il est parfois poussé vers des tâches très spéciales ; il les réalise, car des forces lui permettent de nager à contre-courant des valeurs collectives, elles surgissent du Soi. Il lui sera même souvent impossible de faire « ce qu’il aimerait faire » pour satisfaire les gens qu’il aime, car il lui est aussi impossible de réaliser ce que ces personnes aimeraient qu’il fasse.
Sa position dans le cosmos a changé radicalement, son nouveau centre de gravité le fait vivre en fraternité mystérieuse avec les animaux, les dieux, les cristaux, les astres, sans admiration, ni réprobation, ni orgueil.
22.13 Synchronicité
Les types de relation les plus connues sont la causalité et la motivation. La persona ne connaît pas l’ombre, et la rencontre des deux n’est motivée par aucun désir concret, il y aurait plutôt aversion. Elle n’est pas non plus « causale », car la libido ne peut être identifiée à l’énergie physique.
Jung et le mathématicien W. Pauli ont élaboré une théorie de connexion acausale et immotivée : La synchronicité est une coïncidence simultanée et significative dans l’espace – temps entre des faits intérieurs et extérieurs qui ne sont pas connectés, l’un n’étant pas la cause de l’autre. Si la coïncidence n’est pas significative, ce n’est qu’une synchronie. La synchronicité est mise en évidence par l’accumulation de faits simultanés qui défient le hasard.
Ex : si je pense aller en ville en voiture, mais qu’elle tombe en panne, et si je me souviens alors d’un ami garagiste, et qu’à ce même moment il frappe à ma porte en disant: « je passais ici par hasard et je me suis dit, je vais monter le voir », il peut s’agir d’une coïncidence. Mais si, ensuite il me dit qu’il devait prendre l’avion ce matin et que sa voiture est aussi tombée en panne sur la route de l’aéroport et que c’est pour cette raison qu’il a fait le détour pour venir me voir…le nombre de coïncidences simultanées devient une synchronicité.
Dans ce sens, le fait qu’un événement extérieur active en nous un archétype et nous motive à prendre le sentier étroit de l’individuation est une relation par synchronicité.
La synchronicité ne varie pas selon les distances.